Par définition, la politique des trames se tisse dans les continuités. Lorsque la trame est verte et bleue, elle conjugue l’eau et la biodiversité ; l’eau douce, mais aussi l’eau de mer. Qu’un poisson puisse suivre ses cycles biologiques entre la mer, les estuaires et les fleuves, que les invertébrés ou des batraciens réussissent à cheminer le plus librement possible entre différents espaces nécessaires à leur alimentation et à leur reproduction, ou encore que les promeneurs puissent trouver des parcours de proximité et d’aménités sans être suffoqués par des gaz d’échappement ou des murailles urbaines, sont autant d’histoires naturelles et humaines parmi des millions d’autres qui justifient l’organisation de ces trames.
La notion de continuité est facile à représenter et à cartographier, mais elle ne doit pas masquer que la richesse écologique bénéficie aussi des discontinuités dans l’espace et dans le temps. Les lisières au sens large sont les espaces de rencontre entre des facteurs, anthropiques, naturels (chimiques ou physiques) qui s’avèrent écologiquement complémentaires, justement parce qu’ils sont différents. Les lisières s’enrichissent des évolutions dans le temps et dans l’espace. Le littoral en est une illustration historique et contemporaine.
L’érosion des rivages, lorsqu’elle n’est pas ralentie par des trains d’enrochements, conduit à de formidables reconquêtes de la mer vers l’intérieur des terres. Ainsi, aucun hectare du Conservatoire du littoral n’est-il vraiment perdu à la mer ; lors des submersions, se recomposent des écosystèmes de transition et de lisières : des vasières, des lagunes, des étangs littoraux, de nouvelles prairies humides, des herbus ou même des mangroves se développent et s’entrelacent dans la rencontre complexe entre le monde de la terre de l’eau et celui du sel. Mais si cette nouvelle trame d’espaces littoraux conduit à l’omniprésence des milieux halophiles, la diversité biologique s’en trouvera altérée. Il faut donc conjuguer la continuité dynamique et spatiale avec la gestion des discontinuités écologiques. La notion de naturalité sur les rivages est fortement contrariée par la pression des activités anthropiques qui s’y exercent et en conséquence, la limite de la naturalité, au sens philosophique, c’est qu’il est devenu nécessaire de gérer la nature, parce qu’elle est contrainte.