Leviers d'action en faveur de la sobriété lumineuse

Il existe de nombreux leviers d’actions pour réduire l’impact de la lumière artificielle, adaptables à tous types d’espaces. La pollution lumineuse étant un enjeu national, il est primordial d’agir à l’échelle de tous les territoires. Toute action consistant à réduire la quantité ou la durée d’émission de lumière artificielle dans l’environnement nocturne participera à la réduction de la pollution lumineuse et sera bénéfique à la biodiversité.

Les leviers pour réduire la pollution lumineuse et son impact sur la biodiversité sont multiples, et doivent être pris en compte par les collectivités lors de l’implantation ou de la rénovation des parcs d’éclairages. Les leviers de réduction de la pollution lumineuses peuvent être classés en 3 catégories : 

     1. Spatiaux

     2. Temporels

     3. techniques

1. Leviers spatiaux

Requestionner notre besoin d’éclairer

L’identification du besoin d’éclairage par rapport à la fonction et à l’utilisation des espaces permet d’éviter l’implantation d’éclairage ou de supprimer des points lumineux lorsqu’il n’est pas nécessaire. 

Conserver une distance suffisante entre les points lumineux

Cette disposition permet de maintenir des espaces interstitiels sombres pour les traversées de la faune.

Éclairer strictement la surface utile au sol

Il est important de veiller à ne pas éclairer de potentiels habitats pour la biodiversité, comme la végétation, les arbres, ou les cavités du bâti. Les milieux aquatiques doivent également faire l’objet d’une grande attention, ces écosystèmes étant sensibles à la lumière artificielle. Un éclairage strictement limité aux zones de cheminement dans les parcs et à proximité des espaces naturels est donc pertinent.

2. Leviers temporels

L’extinction en cœur de nuit

©P.Massit

De nombreuses communes choisissent d’éteindre partiellement ou totalement leur éclairage public durant une partie de la nuit. En plus des arguments économiques, ces dispositions entrent dans une démarche de sobriété lumineuse et écologique. L’extinction de l’éclairage en cœur de nuit, par exemple entre 23h et 6h du matin quand les usagers sont très rares, paraît donc être une mesure de bon sens.

Outil pratique : Consulter le modèle d'arrêté relatif à l'éclairage public 

Notons cependant que de nombreuses espèces étant actives en début en fin de nuit, souvent à des moments où l’éclairage est toujours allumé ou vient d’être rallumé, cette seule mesure ne suffit pas pour neutraliser totalement l’impact sur la biodiversité. Il sera donc nécessaire de mettre en place des mesures temporelles, spatiales ou techniques permettant de réduire la quantité de lumière en extrémité de nuit.

Réduire l’éclairage à la temporalité de l’activité humaine concernée 

Cibler les usages et les fonctions des espaces et des éclairages permet d’adapter ce dernier à l’utilisation des lieux, et ainsi réduire les éclairages de veille. On peut également choisir d’adapter les horaires d’éclairage ou mettre en place des détecteurs de présence.

Procéder à l’extinction lors de périodes à enjeux

Certaines périodes s’avèrent clés dans le cycle de vie des espèces, que ce soit pour la migration ou la reproduction. De la même manière, certaines heures de la nuit peuvent abriter davantage de vie nocturne (chasse, déplacements). Il est possible de procéder à des extinctions saisonnières ou à certains horaires.

A la Réunion, les communes ont mis en place depuis quelques années les nuits sans lumière. Elles se sont engagées dans une opération qui consiste à éteindre l’éclairage sur l'île pendant la période d’envol des jeunes Pétrels, d’avril à mai. Ces oiseaux marins sont perturbés par la lumière artificielle lors de leur migration annuelle, qui les conduit à s’échouer en divers endroits comme les terrains de sport.

3. Leviers techniques

Réduire ou ajuster l’intensité de l’éclairage 

Cela peut être en fonction des besoins et usages avec par exemple la mise en place de variateurs d’intensité en fonction des heures ou liés à des détecteurs de mouvement.

Diminuer la visibilité directe des sources 

Cela peut se faire en évitant les ampoules sortant des crosses (éclairages à ampoules) et en utilisant des coupes flux, notamment des coupes flux arrière pour empêcher l’éclairage de déborder dans les zones naturelles adjacentes.

Privilégier un revêtement sombre sous les éclairages 

Ces revêtements plus sombres ont un faible coefficient de réflexion, ils limitent ainsi le renvoi vers le ciel et donc la diffusion de la lumière artificielle dans l’atmosphère.

Privilégier une lumière au spectre le plus restreint possible et situé dans l’ambre

Il convient de privilégier des éclairages au spectre le plus restreint et situé dans la zone jaune orange (voire dans le rouge pour certains taxons comme les chauves-souris). Globalement les longueurs d’onde courtes doivent être réduites, en particulier le bleu. Les éclairages répondant le mieux à ces critères sont les lampes à vapeur de Sodium basse pression ou haute pression ainsi que les LED orangées ou ambrées (entre 2400 et 1800 K). 

Privilégier les éclairages passifs 

L’utilisation de bandes, de pots réfléchissants ou catadioptres peut s’avérer pertinents pour des espaces utilisés ponctuellement par les usagers et disposant d’un dispositif d’éclairage autonome (piétons, cyclistes, voitures sur de grands axes en ligne droite).

Optimise l'orientation du lampadaire

Ne diffuser aucune lumière au-dessus de l’horizontale et réduire le "cône" de diffusion de la lumière vers la cible à éclairer.


Installer des éclairages avec une hauteur des mats le plus bas possible

Cette mesure vite à éviter l’effet « arrosoir » mordant sur les espaces naturels adjacents et très préjudiciable dans certaines topographies. Cette disposition permet aussi d’éviter le repérage de loin par la faune.

Mettre en place une gestion différenciée de l’éclairage

Une gestion différenciée de l’éclairage peut être mise en place en graduant les paramètres des éclairages (durée, nombre de points lumineux, , flux, etc.) pour l’ajuster au plus près des besoins des usagers et des enjeux écologiques. Les besoins varient en effet considérablement selon les zones du territoire et les moments : un centre-bourg avec une activité économique et touristique n’a pas les mêmes exigences et besoins d’éclairage qu’un quartier résidentiel ou qu’une route secondaire. 
Pour identifier précisément ces zones et les périodes critiques, un diagnostic approfondi de la biodiversité est indispensable, prenant en compte les espèces concernées et leurs cycles biologiques, et des usages.

Focus : Quand sobriété lumineuse et sobriété énergétique ne sont pas synonymes, le cas des LED

Même si une démarche de sobriété énergétique peut s’accompagner d’une sobriété lumineuse, ce n’est pas toujours le cas ! Prenons l’exemple des LED, leur faible consommation d’énergie peut inciter à implanter davantage de points lumineux, provoquant un effet rebond : on peut donc dépenser moins en éclairant beaucoup plus ! Les impacts de la lumière sur la biodiversité étant parfois oublié…

De plus, malgré sa flexibilité de pilotage pouvant faciliter les opérations d’extinction, les éclairages LED peuvent accroitre la quantité de lumière artificielle, le degré d’éblouissement (plus forte luminance) et émettre un spectre lumineux riche en bleu qui se diffuse plus fortement dans l’atmosphère. Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, le passage aux LED, pourtant généralement motivé par des préoccupations environnementales (économies d’énergie), peut s’avérer néfaste pour les écosystèmes par rapport à la situation antérieure s’il n’est pas accompagné d’une démarche biodiversité (sobriété, réflexion sur les usages, les spectres, etc.).

Si des LED doivent être installées, il est préconisé d’installer des modèles de LED orangées ou ambrées (de 2400 à 1800 K) sans ou avec très peu de bleu afin de réduire leurs effets sur la biodiversité.

Financements possibles

Divers leviers financiers peuvent être mobilisés pour accompagner les démarches de sobriété lumineuse et réduire l’impact de l’éclairage artificiel sur la biodiversité nocturne. 

Améliorer la connaissance de la biodiversité nocturne : Atlas de la biodiversité communale (ABC)

Les ABC, porté par l’OFB, est un outil permettant aux collectivités d’acquérir une meilleure connaissance de la biodiversité sur leur territoire, y compris des espèces nocturnes sensibles à la pollution lumineuse. Ce dispositif peut être un premier levier financier, en finançant des inventaires de la faune nocturne, des actions de sensibilisation des habitants, ils peuvent même permettre d’aller jusqu’à l’identification d’une Trame noire et d’un plan d’actions dédié.

Plus d’info :

Consulter la page dédiée aux ABC sur le site de l'OFB  

S’engager dans un plan d’actions : le programme Territoires engagés pour la nature (TEN)

Le programme TEN, piloté par l’OFB et les Régions, accompagne les collectivités qui souhaitent structurer une démarche en faveur de la biodiversité. Les communes et intercommunalités engagées peuvent bénéficier d’un appui technique et financier pour intégrer la sobriété lumineuse dans leurs politiques locales, par exemple en mettant en place des plans de gestion de l’éclairage public compatibles avec la Trame noire.

Consulter la page dédiée à TEN sur le site de l'OFB

Rénover l’éclairage public : FNCCR et autres dispositifs

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) accompagne les collectivités dans l’optimisation de leur éclairage, notamment à travers son programme ACTEE.

Les aides financières pour la transition écologique : Fonds vert

Le Fonds vert, lancé par l’État, vise à soutenir la transition écologique des territoires et inclut des financements pour la rénovation de l’éclairage public afin de réduire les nuisances lumineuses et la consommation énergétique. Ce dispositif peut être mobilisé pour des projets visant à améliorer la cohérence entre éclairage et biodiversité.

Financements régionaux et fonds européens

Enfin, certains fonds européens, notamment via les programmes LIFE ou FEDER, peuvent être sollicités pour des projets innovants en matière de sobriété lumineuse et de préservation de la biodiversité nocturne. Ces financements sont souvent attribués à des initiatives expérimentales ou des actions intégrées à des stratégies de développement durable.

Outils pratiques :

Consulter le Modèle d’arrêté relatif aux horaires d’éclairage public  
Consulter les plaquettes thématiques au sujet de la pollution lumineuse et de l'éclairage public -ARB Occitanie
Consulter le guide de l’éclairage dans le cadre de la RICE des Cévennes

Pour aller plus loin :

Sordello R." Extinction des feux : pour une véritable planification écologique de l'éclairage nocturne", The Conversation 2022. 

Focus sur l’éclairage privé et le rôle des particuliers

Bien qu’il demeure aujourd’hui difficile d’estimer la part globale de l’éclairage privé dans la pollution lumineuse, son rôle n’est pas négligeable, et parfois majoritaire. A Paris, en 2018, on estime que 58% de la radiance provient de sources privées et à Nice 49% pour la même année. Les éclairages privés englobent les panneaux publicitaires, les enseignes ou encore les éclairages de particuliers. 

Quels éclairages privés sont soumis à la réglementation ? 

Les éclairages privés sont concernés par la plupart des réglementations encadrant les éclairages nocturnes, et en particulier par l’arrêté de 2013 qui vise les vitrines, les bâtiments non résidentiels et les bureaux. C’est à la mairie d’exercer le pouvoir de police pour faire respecter la réglementation concernant les éclairages privés.

Lien vers l’intervention de La ville d’Alès (webinaire sobriété lumineuse)

Dans un contexte de réduction des nuisances lié aux éclairages privés, les particuliers ont également un rôle à jouer. En effet, l’éclairage des jardins de particuliers s’est fortement développé depuis les années 2010. Dans ce cadre, même de petites actions peuvent faire la différence : type d’éclairage, emplacement, extinctions horaires… 

Pour aller plus loin : 

Consulter la page dédiée à l'éclairage privé sur le site de l'OFB