Refus d'autorisation pour un projet éolien : quand le paysage devient un fondement juridique

Mardi 25 mars 2025
Paysage
© Philippe Massit / OFB

Le Conseil d’État a validé en 2023 un refus d’autorisation environnementale pour un projet éolien en raison de son impact paysager, s’appuyant sur la définition renouvelée du paysage issue de la Convention européenne. L’arrêt reconnaît la valeur sensible, culturelle et sociale des paysages comme fondement autonome en droit. Il confirme leur rôle croissant comme support de projet territorial, 

Retour sur un arrêt du Conseil d’État de 2023

Le 4 octobre 2023, le Conseil d’État a rendu un arrêt remarqué, en validant le refus d’autorisation environnementale opposé à un projet de parc éolien. Matthieu Galey revient sur cet arrêt  travers un article se synthèse paru dans la Revue française de droit administratif. Ce refus, motivé par l’atteinte portée à un paysage ordinaire, a été jugé conforme au droit, non en vertu d’un régime de protection spécifique (type site classé), mais en raison du caractère patrimonial et sensible de ce paysage évoqué dans une œuvre littéraire emblématique : À la recherche du temps perdu de Marcel Proust.

Ce qui fait l’originalité de cette décision tient à son fondement juridique élargi, qui s’appuie non seulement sur les articles classiques du Code de l’environnement (L.181-3 et L.511-1), mais aussi sur l’article L.350-1 A, introduit en 2016 pour transposer la Convention européenne du paysage.

Le paysage vécu comme critère d'évaluation environnementale

Ce texte marque une évolution décisive dans la définition du paysage en droit français. Il ne s’agit plus seulement d’un "objet" visuel ou esthétique, mais d’un territoire perçu, vécu, approprié collectivement, par les populations qui y vivent. L’arrêt illustre ainsi l’effectivité de cette évolution législative : la notion de paysage devient un critère autonome d’évaluation environnementale, prenant en compte les valeurs culturelles, sensibles et sociales qui y sont associées.

L’auteur du commentaire souligne que cette lecture renouvelée du paysage est encore largement ignorée dans la pratique. Pourtant, elle constitue un renversement conceptuel majeur : le paysage n’est plus le décor passif des politiques d’aménagement, mais un élément actif, façonné par les usages, les représentations collectives, et potentiellement porteur de projets territoriaux à part entière.

Le paysage, support des politiques publiques territoriales

Cet arrêt du Conseil d’État rappelle que le paysage, loin d’être une donnée figée, est un système en mouvement, à l’interface entre société et environnement. En cela, il constitue un levier d’action publique pertinent, notamment dans le cadre de politiques de transition écologique.

Dans cette perspective, la Trame verte et bleue peut pleinement s’inscrire dans une approche paysagère. Le paysage, compris comme support partagé et vécu du territoire, offre une entrée fédératrice pour mobiliser les acteurs autour de la préservation des continuités écologiques. En reconnaissant la valeur sensible et collective des paysages, le droit ouvre ainsi la voie à une intégration renforcée des enjeux de biodiversité dans l’aménagement du territoire, à travers des démarches concertées, transversales et ancrées dans les réalités locales.