L’état écologique des milieux aquatiques est influencé par l’occupation des sols environnante à de multiples échelles, du bassin versant amont au corridor rivulaire local. Préserver ou restaurer ces écosystèmes, comme le préconise la Directive Cadre européenne sur l’Eau, implique de comprendre au niveau régional, voire national, les relations entre leur état écologique et les pressions environnantes. Un intérêt particulier doit être porté aux corridors rivulaires pour élaborer des stratégies de préservation et de restauration compte tenu du rôle protecteur et régulateur des formations végétales rivulaires sur les écosystèmes aquatiques et du fait que la gestion du foncier est plus facilement négociable dans ces espaces qu’à l’échelle du bassin versant. La question centrale de cette recherche est la caractérisation de l’influence de l’occupation des sols dans les corridors rivulaires sur l’état écologique des cours d’eau, caractérisé par l’EQR-IBGN (écart normalisé entre l’Indice Biologique Global Normalisé et sa valeur de référence).
Une telle analyse doit reposer sur des méthodologies robustes et fiables de cartographie fine de l’occupation des sols dans les corridors rivulaires, de construction d’indicateurs spatialisés traduisant cette occupation et de modèles pressions/impacts quantifiant le lien entre occupation des sols dans les corridors rivulaires et état écologique des milieux aquatiques. La thèse a été consacrée au développement et à la validation de méthodes adaptées à ces trois phases.
Dans une première phase, une procédure de classification a été conçue, capable d’extraire finement l’occupation du sol le long des cours d’eau sur de grands territoires à partir de l’information de données spatiales multi-source - images aéroportées et satellitaires à Très Haute Résolution Spatiale (THRS, métrique) et données thématiques - mobilisables à des coûts réduits pour les gestionnaires sur l’ensemble du territoire français. Cette procédure repose sur une analyse orientée objet multi-échelle qui combine, à l’aide de règles de classification floues définies par expertise, l’information des orthophotos (0.5 m), des images satellites SPOT 5 XS (10 m) et de données thématiques complémentaires. Son application sur le bassin versant de l’Hérault (1150 Kkm de réseau hydrographique) démontre (i) son efficacité : 89 % de précision globale selon une nomenclature regroupant les principales catégories exerçant des pressions sur le milieux aquatique ; (ii) sa généricité : les règles de classification ont été facilement transposée sur les contextes géographiques contrastés du bassin ; (iii) son applicabilité sur de grands territoires : les temps de traitement sont réduits du fait de la rapidité de transfert des règles de classification et de la possibilité de distribuer les traitement liés à l'analyse orientée objet sur un cluster de calcul.
Une seconde phase a été consacrée à la construction d’indicateurs spatialisés caractéristiques des corridors rivulaires, traduisant les connaissances écologiques sur les mécanismes d’impact des activités humaines et d’influence de la végétation rivulaire sur l’état écologique des cours d’eau. Des méthodologies automatisées ont été développées de manière à disposer de plusieurs emprises spatiales candidates afin d’améliorer l’identification, dans les modèles pressions/impacts, de l’emprise au sein de laquelle une catégorie d’occupation du sol a une influence significative sur la variabilité de la réponse biologique du cours d’eau. Ces méthodes de calcul d’indicateurs de pression liés au corridor rivulaire ont été mises en oeuvre sur le même bassin de l’Hérault et ont démontré (i) l’intérêt de la THRS pour quantifier correctement les indicateurs au niveau du corridor rivulaire ; et (ii) la capacité de ces indicateurs à fournir une information cartographique explicite pour guider les gestionnaires dans leurs stratégies de restauration sur le corridor rivulaire.
Enfin une troisième phase a été consacrée à la modélisation régionalisés pressions / impacts liant l’occupation des sols sur le bassin amont, le corridor rivulaire amont et le corridor rivulaire à l’état écologique observé aux stations. Cette approche de construction de modèles pressions/impacts a été mise en oeuvre sur la région Nord-Ouest de l’Hydroécorégion Tables Calcaire (6000 km de réseau hydrographique) où le nombre de stations de mesure de l’Indice Biologique Global Normalisé sur la période de 1992 à 2004 est suffisant (155 stations) pour engager une approche statistique. La comparaison sur cette région de différentes structures de modèles montre l’intérêt de disposer d’une donnée à THRS et d’indicateurs calculés sur différentes emprises spatiales pour améliorer l’identification et la localisation des sources de pressions dans ces espaces. Ces avancées méthodologiques ont permis de démontrer à l’échelle régionale le rôle significatif des formations végétales rivulaires locales sur l’état écologique des cours d’eau, ceci sur une bande de 20 m de part et d’autre du cours d’eau.
Parallèlement au développement de ces méthodologies, la propagation des incertitudes de la carte d’occupation des sols aux indicateurs spatiaux des corridors rivulaires, puis des indicateurs jusqu’aux résultats des modèles pressions / impacts a été analysée. La difficulté de spatialisation des incertitudes de la carte d‘occupation des sols demeure un frein majeur à ce type d’analyse.