Les 12 et 13 décembre derniers se sont déroulées les premières Rencontres biodiversité et territoire à Montpellier. Cet événement, organisé par l’Office français de la biodiversité et de nombreux partenaires, a réuni plus de 900 professionnels agissant en faveur de la biodiversité sur les territoires. Plus de 40 ateliers se sont tenus à cette occasion, dont deux organisés par le centre de ressources Trame verte et bleue de l’OFB : "Agir contre la pollution lumineuse : sobriété lumineuse et Trame noire" et "Trame verte et bleue, une politique pour prendre en compte la biodiversité dans l’aménagement du territoire". En voici la synthèse.
Les espèces ont besoin de se déplacer pour réaliser leur cycle de vie : se nourrir, se reposer, se reproduire, migrer ou adapter au changement climatique. Mais les activités humaines – urbanisation, infrastructures de transport, agriculture intensive, pollution lumineuse – fragmente les espaces naturels en réduisant les possibilités de déplacement pour les espèces. Pour répondre à cela, la politique Trame verte et bleue est née lors du Grenelle de l’environnement en 2009. Son objectif est la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques, espaces réunissant réservoirs de biodiversité et corridors écologiques. Sa particularité est sa traduction à la fois dans le code de l’environnement et dans le code de l’urbanisme, les documents d’urbanisme devant répondre à ces objectifs en faveur des continuités.
Depuis bientôt 15 ans, cette politique s’est déployée dans les Régions et dans les territoires. Au cours de cet atelier animé par Vanessa Rauel (Cerema) et Fabien Paquier (OFB), il a été choisi de donner la parole aux Métropoles autour de trois moments de la vie de la TVB : le diagnostic et la cartographie de la TVB, sa traduction dans le Scot et le PLU et sa mise en œuvre opérationnelle via des actions de restauration de réseaux écologiques.
Marion Di Liello, cheffe du service Biodiversité terrestre, marine et aires protégées de la Métropole Aix-Marseille-Provence a présenté la manière dont l’Atlas de la biodiversité communale (ABC) a permis la cartographie de la TVB par une meilleure connaissance des milieux naturels et par des travaux de modélisation. Le Scot en cours d’élaboration traduit la TVB notamment dans le PADD et dans le DOO. Il est ensuite envisagé un travail d’accompagnement pour sa déclinaison dans les PLUi du territoire.
Adine Hector, responsable du département Ecologie du territoire de l’Eurométropole de Strasbourg a mis en avant la déclinaison de la TVB dans le PLUi qui mobilise dans son règlement de nombreux outils en faveur des continuités écologiques et comporte une Orientation d’aménagement et de programmation TVB détaillée. En termes d’actions mise en œuvre, un effort particulier est porté sur la ceinture verte de Strasbourg avec la préservation de 1964 hectares en Réserves naturelles et la mise en œuvre d’un plan canopée qui s’est traduit jusqu’à aujourd’hui par la plantation de plus de 3300 arbres.
Guillaume Fresnel, Directeur adjoint de l’environnement de la Métropole de Rouen Normandie, a évoqué l’étude en cours de cartographie et de modélisation de la TVB et sa traduction à venir dans le PLUi. La mise en œuvre opérationnelle de la TVB se traduit par de nombreuses actions depuis plusieurs années, que l’on retrouve dans la charte de la biodiversité du territoire pour 2021-2026 en mettant l’accent sur les zones humides avec ses travaux de restauration des réseaux de mares, sur les milieux boisés mais aussi sur les milieux ouverts silicicoles et calcaires, sur les espaces agricoles en agissant sur la préservation et la restauration des haies et sur les espaces plus urbains.
L'atelier a été conclu par Xavier Gayte, Directeur adjoint de la surveillance, de l'évaluation et de la donnée à travers un bref panorama de quelques indicateurs issus de l'Observatoire national de la biodiversité.
La lumière artificielle génère une pollution qui présente de nombreux impacts sur la biodiversité, comme cela a été rappelé par Fabien Paquier (OFB) et Stéphane Jaulin (Office pour les insectes et leur environnement) en introduction. En effet, une majorité de la faune vit partiellement ou exclusivement la nuit. Cette pollution lumineuse perturbe les cycles biologiques des espèces (perturbation des sens, de la reproduction ou de la ponte, de la phase de repos pour les espèces diurnes) et les interactions entre les espèces (augmentation de la prédation). Elle perturbe aussi les ainsi que leurs déplacements : certaines espèces peuvent être attirées, d’autres repoussées ou encore désorientées par la lumière artificielle, qui, par conséquent, fragmente les espaces naturels. Les effets sur les insectes sont particulièrement importants. Une étude a évalué à 150 le nombre d’insectes tués les nuits d’été sous chaque lampadaire., soit un milliard d’insectes par an en France. Les différentes perturbations engendrées en font une cause avérée, s’additionnant à d’autres aux effets plus importants encore, de la baisse de l’abondance des papillons nocturnes.
Pour agir contre cela, il est possible d’ajuster la gestion temporelle de l’éclairage (notamment avec l’extinction), la gestion spatiale en lien avec les espaces naturels et la gestion technique des éclairages (réduction de puissance, technologies moins néfastes pour la biodiversité…). Il est important que ces actions se traduisent par une démarche de sobriété lumineuse à l’échelle de tout le territoire, dans une logique de gestion différenciée de l’éclairage en fonction des besoins et des enjeux écologiques. Notons que sobriété énergétique et sobriété lumineuse ne sont pas synonymes. Il existe en effet des solutions technologiques plus économes en énergie qui, directement ou indirectement, conduisent à une augmentation de la pollution lumineuse, comme c’est notamment le cas avec les LED (augmentation du nombre de points lumineux sous par effet rebond, émission d’une plus grande quantité de lumière et pic de lumière bleue dans le spectre lumineux). Une 50aine de territoires ont choisi d’approfondir la réflexion sur les réseaux écologiques en mettant en œuvre une démarche de Trame noire avec un travail cartographique plus fin. L’objectif est d’identifier les continuités écologiques où l’obscurité est de qualité suffisante, ainsi que celles où des actions de restauration de l’obscurité sont nécessaires, et de l’assortir d’un plan d’actions.
Adine Hector, responsable du département Ecologie du territoire de l’Eurométropole de Strasbourg, a présenté la Trame nocturne déployée sur le territoire à laquelle s’est ajoutée une gestion différenciée se traduisant par 3 niveaux : de l’obscurité recherchée dans les réservoirs de biodiversité jusqu’à un travail sur la qualité de la lumière dans les tissus urbains. Depuis mars 2023, la ville de Strasbourg met en place une extinction progressive des rues, démarche particulièrement innovante pour un territoire aussi peuplé.
Bruno Paternot, élu délégué à l’esthétique lumineuse et sonore de Montpellier Méditerranée Métropole a présenté le Plan Lumière voté en octobre 2023. Sa mise en œuvre se traduira par une gestion différenciée selon différents scénarios guidés par des exigences de sobriété lumineuse et de qualité de l’éclairage. Enfin, une Trame noire est en cours d’élaboration également sur le territoire avec un focus particulier sur les insectes. Cela se concrétisera par une carte présentant les zones à préserver et celles à restaurer.
L’atelier s’est terminé par des travaux de groupes autour des thèmes suivants :