Écologie du paysage et écologie sensorielle : prendre en compte les pollutions lumineuses, sonores et olfactives dans les trames écologiques

Lundi 09 Décembre 2024
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Comment intégrer les pollutions lumineuses, sonores et olfactives dans les trames écologiques ? Dans sa thèse, Romain Sordello explore ces enjeux complexes et propose des pistes concrètes pour enrichir la Trame verte et bleue en prenant en compte les pressions sensorielles et leurs impacts sur la biodiversité.

 

Un paysage multi-sensoriel

Les organismes interagissent avec leur environnement grâce à leurs sens – vue, ouïe, odorat – qui jouent un rôle clé dans leurs déplacements et la sélection de leurs habitats. Ces interactions sensorielles nous invitent à repenser le paysage, qui n’est pas seulement visuel, mais aussi sonore et odorant, variant selon les cycles jour/nuit.

Cependant, les activités humaines – transports, industries, agriculture, loisirs – perturbent ces paysages sensoriels. La lumière artificielle nocturne, les bruits et les odeurs anthropiques engendrent des obstacles sensoriels, modifiant la mobilité des espèces, fragmentant leurs habitats et affectant leur comportement. Ces pressions sensorielles, encore sous-estimées, altèrent les conditions nécessaires à la connectivité écologique.

Problématique et axes d’étude

Dans ce contexte, une question centrale se pose : comment intégrer ces pressions sensorielles dans les politiques de conservation, comme la Trame verte et bleue en France ?

La thèse soutenue en juin 2024 par Romain Sordello (Patrinat OFB-MNHN-CRS-IRD) explorer les liens entre écologie du paysage et écologie sensorielle, en examinant :

  1. L'impact des pollutions sensorielles sur la mobilité des espèces et la fragmentation des habitats.
  2. Les moyens d’inclure ces dimensions dans les politiques publiques, notamment à travers les trames écologiques.

Méthodes et outils mobilisés

Pour y répondre différentes méthodes ont été mobilisées :

  1. l’expérimentation in-situ et ex-situ pour acquérir des connaissances sur les impacts de la lumière artificielle sur les corridors avec les mammifères terrestres, et du bruit sur les réservoirs avec les araignées,
  2. les cartes et revues systématiques, méthode labellisée, pour une vision plus globale de la littérature sur ces effets des pollutions sensorielles ; en particulier, sur l’impact des pollutions lumineuses et sonores sur les rapaces nocturnes et sur les conséquences es pollutions olfactives sdur la faune et les écosystèmes,
  3. l’ingénierie écologique pour transférer ces connaissances vers la sphère opérationnelle.

Implications opérationnelles : vers des trames sensorielles

La thèse conclut par une discussion sur les implications scientifiques, juridiques et opérationnelles de ces approches. Elle ouvre la réflexion vers des pistes concrètes pour enrichir les trames écologiques :

  1. La Trame noire est un exemple déjà opérationnel en France. Elle repose sur des actions ciblées de réduction de la lumière artificielle, intégrant des outils de cartographie et des projets pilotes pour minimiser les impacts nocturnes sur les espèces sensibles.
  2. Des innovations pour des trames sonores et olfactives : Les pollutions sonores et olfactives, bien que moins visibles, jouent un rôle clé dans la fragmentation des habitats. Des approches similaires à celles de la Trame noire pourraient être développées, avec une meilleure gestion des infrastructures bruyantes et des émissions odorantes, notamment dans les paysages agricoles et industriels.
  3. Outils d’aide à la décision : les besoins en termes d'outils méthodologiques, tels que des guides pour les gestionnaires de territoires, des protocoles d’évaluation des impacts sensoriels, et des études de cas exemplaires pour accompagner la mise en œuvre des trames sensorielles.
  4. Sensibilisation et mobilisation des acteurs : L’intégration des pressions sensorielles nécessite une coopération étroite entre chercheurs, décideurs et gestionnaires. La diffusion de ces connaissances auprès des collectivités locales, mais aussi des citoyens, est essentielle pour une application concrète.

Une planification écologique plus complète

En intégrant ces dimensions sensorielles, les trames écologiques pourraient mieux répondre aux défis actuels. Cette approche élargie ne se limite pas aux continuités physiques, mais prend en compte les interactions fines entre espèces et environnement. Cela permettrait une préservation plus efficace de la biodiversité, tout en conciliant les enjeux de développement durable.

Référence

Romain Sordello. Écologie du paysage et écologie sensorielle : prendre en compte les pollutions lu- mineuses, sonores et olfactives dans les trames écologiques. De la connaissance à l’action. Biodiversité et Ecologie. Museum National d’Histoire Naturelle, 2024. Français.https://hal.science/tel-04645145